
Une percée rendue possible entre autres grâce aux travaux du Dr Peter W. Schiller
L’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) exprime sa grande satisfaction à l’annonce du tout premier traitement réussi d’un trouble oculaire rare, l’ophtalmoplégie, à l’aide de l’élamipretide — un peptide thérapeutique ciblant les mitochondries, co-découvert par le Dr Peter W. Schiller, professeur de recherche émérite à l’IRCM.
L’ophtalmoplégie externe progressive chronique (CPEO) est une maladie neuromusculaire rare qui affecte les muscles des yeux, causant un affaissement des paupières (ptose), une mobilité oculaire réduite et un strabisme. À ce jour, aucune thérapie approuvée par la FDA n’était disponible pour traiter cette affection invalidante.
Récemment, un patient atteint de CPEO ayant reçu de l’élamipretide dans le cadre d’un programme d’accès élargi (Expanded Access Program) a connu une amélioration spectaculaire de ses symptômes après seulement deux semaines de traitement : capacité de lever les sourcils, récupération de la mobilité des yeux, amélioration de la force musculaire, de l’équilibre, de la posture et de l’endurance générale [1].
L’élamipretide, aussi connu sous le nom de SS-31, est le fruit d’un long processus de recherche amorcé au début des années 2000, lorsque le Dr Schiller, en collaboration avec la Dre Hazel Szeto du Weill Cornell Medical College, a conçu les peptides SS ciblant la membrane interne des mitochondries — les véritables "centrales énergétiques" de nos cellules. Un analogue fluorescent d’un peptide opioïde (SS02) conçu et synthétisé au laboratoire du Dr Schiller pour une étude de microscopie confocale à balayage laser était la clé pour démontrer la capacité de ces peptides à pénétrer dans des cellules et à se localiser spécifiquement dans les mitochondries.
Le peptide SS-31, conçu à partir d’un motif structural simple mais ingénieux — une alternance d’acides aminés aromatiques et basiques — a été spécifiquement modifié pour éliminer toute activité opioïde, ouvrant ainsi la voie à son utilisation thérapeutique à grande échelle dans les maladies mitochondriales.
« Nous sommes très fiers que le travail fondamental réalisé à l’IRCM ait contribué à cette percée médicale majeure. Le Dr Schiller a su allier rigueur scientifique, créativité et vision translationnelle pour faire avancer un domaine complexe mais porteur d’espoir pour de nombreux·ses patient·es », a déclaré le Dr Jean-François Côté, président et directeur scientifique de l’IRCM.
Les essais cliniques de phase 3 de l’élamipretide se poursuivent actuellement pour d’autres indications, incluant la myopathie mitochondriale primaire et la dégénérescence maculaire liée à l’âge, sous l’égide de l’entreprise Stealth BioTherapeutics.
À propos de Dr Peter W. Schiller
L’apport du Dr Schiller à la science est inestimable. La carrière de ce scientifique de premier plan couvre en effet près d’un demi-siècle et rayonne au-delà des frontières du Québec et même du Canada.
Ce chimiste formé dans certaines des plus grandes institutions au monde, dont l’ETH Zurich et l’Université Johns-Hopkins (aux États-Unis), a travaillé au sein du laboratoire du renommé Dr Christian Anfinsen, prix Nobel de Chimie (1972), aux NIH.
Né à Frauenfeld, en Suisse, Dr Schiller y garde des attaches fortes. Il était titulaire d'un fellowship de la Fondation nationale suisse pour la recherche scientifique (1972-1973). Le rayonnement de son expertise se décline sur plusieurs continents, des Instituts nationaux de santé aux États-Unis (1974) à la Société japonaise pour la promotion des sciences en 1998.
Il occupe depuis 1975 la fonction de directeur de l’Unité de recherche en biologie chimique et des polypeptides au sein de notre établissement. Pionnier dans le domaine de la chimie médicinale et la pharmacologie moléculaire des peptides opioïdes, ses recherches touchent maintenant au développement de nouveaux médicaments antidouleurs dont les effets secondaires, comme la dépendance, la tolérance et la dépression respiratoire sont moins importants que ceux qui sont couramment utilisés, telle la morphine. Digne de mention : en 1991, Dr Schiller a obtenu la Chaire Canadien Pacifique sur la douleur, en lien avec le travail de son labo de l’IRCM.
Avec la professeure Hazel Szeto au Cornell Medical College, le Dr Schiller a découvert les Szeto-Schiller (SS)-peptides qui ont un potentiel thérapeutique majeur pour le traitement des maladies mitochondriales. L’IRCM et la Cornell Research Foundation détiennent plusieurs brevets communs sur ces composés prometteurs et la compagnie Stealth BioTherapeutics inc. poursuit leur développement clinique pour des diverses indications de maladies mitochondriales rares et communes.
Avec plus de 420 articles scientifiques et 17 brevets à son actif, le Dr Schiller a entre autres découvert des composés importants qui sont aujourd’hui utilisés comme outils pharmacologiques à travers le monde. Ses projets de recherche ont été soutenus par les IRSC pendant 43 ans et par les NIH pendant 30 ans. Il est l’un des deux seuls Québécois à avoir remporté un NIH MERIT Award, qui est une subvention d’une durée de huit ans.
Source :
[1] Ansari, S. & Koenig, M.K. (2024). Clinical Case Reports, 12:e9591. https://doi.org/10.1002/ccr3.9591