Un chercheur de l’IRCM décrypte les signaux des neurones

Un chercheur de l’IRCM décrypte les signaux des neurones

Le saviez-vous? Votre corps est constitué d’une centaine de milliards de cellules nerveuses qui, tels de petits ordinateurs, reçoivent, traitent et acheminent de l’information cruciale à votre organisme. Ces machines, ce sont vos neurones. Ils forment la base même de votre système nerveux. C’est notamment grâce à eux que votre cerveau convertit en images les données transmises par votre rétine et que votre humeur s’adapte aux situations que vous vivez.

Hideto Takahashi, chercheur à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, est comme un informaticien des neurones. En étudiant les signaux que se transmettent ces « processeurs biologiques », son équipe et lui ont découvert un gène qui pourrait être associé à certains troubles neuropsychiatriques, par exemple la schizophrénie. La nouvelle est récemment parue dans Nature Communications.

Neurones et vidéos de chats : même combat
Les neurones se distinguent par leur forme allongée; leur longueur peut varier d'un millimètre à plus d'un mètre. Véritable jacasseur, le neurone parle sans arrêt avec ses semblables. 

Hideto Takahashi s’intéresse plus particulièrement aux embouts de ces cellules, qui leur permettent justement de communiquer. C’est en effet grâce à ces points de jonction, qu’on appelle synapses, qu’un signal chimique contenant l’information fait son chemin de neurone en neurone, telle une vidéo de chat qui se propage sur les murs Facebook de vos amis. 

Les synapses ont la capacité à la fois d’amplifier le signal qui sera transmis au neurone suivant (exciter) et de le réduire, voire de le supprimer (inhiber). Bien que ces deux états puissent sembler en compétition, ils sont nécessaires en fonction des circonstances : « Tout est une question d’équilibre, résume le Dr Takahashi, qui est aussi directeur de l’unité de recherche en développement et plasticité des synapses de l’IRCM. Les synapses excitées et inhibées sont indispensables au fonctionnement de notre organisme. Elles font en sorte que l’information circule aux bons endroits et au bon moment. »  

Lorsque le délicat équilibre de ces signaux est perturbé, la situation peut se répercuter dans notre cerveau. Les études démontrent entre autres que des neurones anormalement excités peuvent être associés à des troubles neuropsychiatriques. 

Mais qu’est-ce qui influence ces différents types de signaux? Les scientifiques cherchent la réponse dans nos gènes. Jusqu’à présent, de 70 à 80 % des gènes mis au jour sont des « excitateurs ». Les autres gènes étudiés ont une fonction « hybride », c’est-à-dire qu’ils activent certains récepteurs de la synapse, mais qu’ils en inhibent d’autres par la même occasion. Toutefois, les gènes exclusivement inhibiteurs se faisaient plutôt rares jusqu’à présent, malgré le fait qu’il existe une grande variété de synapses inhibées dans le cerveau. Cette observation intriguait d’ailleurs le Dr Takahashi.

Un gène sélectif
En passant au crible les potentiels gènes responsables de ces signaux chez la souris, le groupe de l’IRCM a repéré un second gène inhibiteur « pur et dur » qui se distinguait de la masse : IgSF21. L’équipe a par la suite montré qu’IgSF21 se liait à une protéine située à la surface de la synapse, la neurexine2α. Cette connexion permettait ainsi à un neurotransmetteur inhibiteur (GABA) de circuler. 

« Nous avons été surpris par ces observations. La neurexine existe sous six formes; la neurexine2α est l’une d’entre elles. En temps normal, les gènes peuvent interagir simultanément avec plusieurs formes de la neurexine, précise le Dr Takahashi. Cette particularité illustre qu’IgSF21 est un gène hautement sélectif. Cela pourrait expliquer pourquoi il a un comportement strictement inhibiteur. »

Le groupe du Dr Takahashi a également établi que la présence d’IgSF21 est essentielle au développement de synapses inhibitrices chez la souris. « En fait, on observait chez les souris qui n’avaient pas le gène IgSF21 un comportement qui se rapprochait d’agissements caractéristiques des troubles neuropsychiatriques associés à un taux inférieur d’inhibiteurs, telle la schizophrénie. C’est logique : sans IgSF21, impossible pour la neurexine2α d’inhiber le signal », explique le Dr Takahashi. Ces résultats corroborent ceux des études antérieures qui avaient révélé l’existence d’un lien entre une mutation de la neurexine et la schizophrénie. 

Quelle est la prochaine étape pour le Dr Takahashi? Il s’agira de trouver les cousins humains d’IgSF21 et de la neurexine2α, puis de déterminer s’il existe des mutations possibles de ces deux gènes qui empêcheraient leur effet inhibiteur sur les neurones des personnes atteintes de troubles neuropsychiatriques. Auquel cas, on pourrait tenter de concevoir une manière de « reprogrammer » l’interaction d’IgSF21 et de la neurexine2α pour équilibrer les signaux entre les synapses. Chose certaine, notre informaticien des neurones a encore plusieurs beaux défis de décryptage devant lui!

À propos de l’étude
Le projet de recherche a été réalisé à l’unité de recherche en développement et plasticité des synapses de l’IRCM par Yuko Tanabe, Yusuke Naito, Cristina Vasuta, Alfred Kihoon Lee, Youssouf Soumounou et Hideto Takahashi. Michael W. Linhoff, de la Washington University School of Medicine, a également collaboré à l’étude. 

La recherche a reçu un soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada, des Fonds de recherche du Québec – Santé, de la Scottish Rite Charitable Foundation of Canada, de l’Iizuka Takeshi Scholarship Foundation, de la Société Alzheimer du Canada et de la Fondation de l’IRCM.

Source :
Anne-Marie Beauregard, conseillère en communication, IRCM
514 987-5555 | anne-marie.beauregard@ircm.qc.ca

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