Une mutation génétique qui protège contre les maladies

Une mutation génétique qui protège contre les maladies

Des chercheurs de l’Université McMaster et de l’Institut de recherches cliniques de Montréal pensent avoir trouvé une fontaine de jouvence, et c’est unique à quelques familles canadiennes-françaises. 

Montréal/Hamilton, le 4 janvier 2021 - Bonne nouvelle: des scientifiques canadiens qui étudient une mutation génétique rare pensent avoir trouvé la proverbiale fontaine de jouvence. Toutefois, il y a peu de gagnants à cette loterie génétique: jusqu’à présent, la mutation n’a été trouvée que chez une poignée de familles canadiennes-françaises. 

Dans une étude antérieure, des chercheurs avaient découvert la mutation PCSK9Q152H du gène PCSK9, mutation qui protège contre les maladies cardiovasculaires. Des études récentes ont révélé que cette mutation pourrait aussi protéger contre d’autres maladies, principalement celles du foie. Les heureux porteurs de cette mutation pourraient ainsi rester en bonne santé et voir leur espérance de vie accrue, affirment les chercheurs dans une étude publiée aujourd’hui dans le Journal of Clinical Investigation. 

Ces travaux ont été dirigés par les biologistes vasculaires Richard Austin et Paul Lebeau, de l’Université McMaster, ainsi que par Michel Chrétien, endocrinologue à l’Institut de recherches cliniques de Montréal et professeur émérite de l’Université de Montréal.

Vers une thérapie génique?

« Ce sont des résultats qui nous enthousiasment, car notre découverte s’apparente à une fontaine de jouvence, a déclaré Richard Austin, professeur de médecine à l’Université McMaster et l’un des principaux auteurs de l’étude. Nous cherchons actuellement à établir si des approches de thérapie génique, par la surexpression dans le foie de cette variante du gène mutant, pourraient représenter un traitement novateur de longévité en protégeant de plusieurs maladies mortelles qui contribuent à une mort précoce.»
C’est en 2011 que le Dr Chrétien, principal chercheur clinicien de cette étude, a découvert la mutation PCSK9Q152H chez une famille canadienne-française. Ce gène s’exprime principalement dans le foie et fait baisser le mauvais cholestérol (le cholestérol LDL plasmatique), prévenant ainsi les maladies cardiovasculaires. Le Dr Chrétien et son collègue le Dr Hanny Wassef ont trouvé la même mutation génétique dans deux autres grandes familles canadiennes-françaises.

Quatre-vingt-quinze ans et en bonne santé

Étonnamment, les personnes porteuses de cette mutation gardent une santé robuste jusqu’à plus de 95 ans. En plus de la baisse de leur mauvais cholestérol et du faible risque de maladies cardiovasculaires, leur examen médical poussé, comprenant l’état des fonctions hépatiques et l’imagerie du foie, demeure tout à fait normal, ont constaté les chercheurs de l’IRCM.

Toutefois, jusqu’à présent, mis à part les bienfaits pour la santé cardiovasculaire, le mécanisme par lequel la mutation PCSK9Q152H représentait un avantage pour la santé restait un mystère.

Un effet protecteur surprenant

Parallèlement, les chercheurs de l’Université McMaster ont démontré que la surexpression de cette mutation génique dans le foie de souris non porteuses de PCSK9Q152H engendrait un effet protecteur surprenant contre les lésions et les dysfonctionnements du foie. Un autre point positif pour la santé, montré dans ces travaux, est le fait que la surexpression de la mutation génique dans le foie des souris entraînait une forte réduction des taux de PCSK9, telle qu’on la trouve chez les humains porteurs de la mutation. Cela réduit leur mauvais cholestérol et les garde en bonne santé cardiovasculaire.

«Lorsque nous avons lancé ces travaux, nous avions émis l’hypothèse que l’introduction de la protéine mutante PCSK9Q152H dans le foie de souris provoquerait des lésions ou des dysfonctionnements du foie», a mentionné Richard Austin. 

«Mais à notre grand étonnement, a ajouté Paul Lebeau, la surexpression de la variante du gène mutant dans le foie des souris n’a pas créé de stress du système cellulaire de fabrication et d’emballage, appelé réticulum endoplasmique, mais a plutôt eu un effet protecteur contre les lésions du foie causées par ce stress!» 

Des études supplémentaires réalisées à l’Université McMaster ont révélé que la variante du gène mutant agit comme une protéine «cochaperone» unique pour stabiliser plusieurs chaperons bien connus, notamment GRP78 et GRP94, ce qui améliore leur effet protecteur contre les lésions du foie. 

Des résultats particulièrement gratifiants

«Ces résultats du groupe de Richard Austin sont particulièrement gratifiants, car ils expliquent pourquoi cette mutation génique protège de lésions et de dysfonctionnements hépatiques, même chez les individus qui ont dépassé les 80 et 90 ans», a indiqué le Dr Chrétien, également chercheur émérite de l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa.

De plus, ces résultats devraient permettre de déterminer si, au-delà de son effet protecteur contre les maladies cardiovasculaires, cette unique mutation offre une protection additionnelle contre les maladies du foie, y compris le cancer.
 
À propos de cette étude

L’article intitulé «The loss-of-function PCSK9Q152H variant increases ER chaperones GRP78 and GRP94 and protects against liver injury», par Paul Lebeau et ses collaborateurs, paraîtra dans le Journal of Clinical Investigation le 4 janvier 2021. 

L’étude a été financée en partie par les Instituts de recherche en santé du Canada et la Fondation des maladies du cœur du Canada, la Fondation J.-Louis Lévesque, la Fondation Richard et Edith Strauss, la Fondation Notre-Dame de Zeitoun et la Fondation Aclon.  
 
COVID-19 : État des travaux du Dr Chrétien sur l’isoquercétine

Au mois de mars 2020, alors que la pandémie de la COVID-19 était en plein essor en Chine, le Dr Michel Chrétien et son collaborateur Majambu Mbikay de l’IRCM ont attiré l’attention du monde scientifique, après qu’ils aient été invités par les autorités chinoises à entamer des essais cliniques pour valider le potentiel thérapeutique de l’isoquercétine, une substance végétale ayant d’intéressantes propriétés antivirales. Toutefois, la situation en Chine ayant été rapidement contrôlée, le nombre de patients nécessaires à la mise en place des essais cliniques n’y était plus disponible. En effet, pour être concluant, ce genre d’étude exige un bassin important de patients à diverses étapes de  la maladie.

En conséquence, les travaux ont été ramenés au Canada où la courbe de progression de la pandémie est encore en pleine croissance. Après plusieurs mois d’attente, l’équipe a récemment obtenu l’approbation de Santé Canada pour entamer ces travaux prometteurs de manière valable et sécuritaire, en respectant  les normes propres au Canada. Les vaccins tant attendus aideront certainement à prévenir et réduire le nombre de patients qui auront la COVID-19 à l’avenir. Toutefois, des antiviraux tels que l’isoquercétine, si elle s’avérait efficace contre la COVID-19, demeureront essentiels pour traiter ceux qui contracteront quand même la maladie.

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